Mission archéologique franco-soudanaise MAE Kadruka (« MaFSaK »)

Le programme Kadruka porte spécifiquement sur les occupations néolithiques et pré-Kerma encore représentées sur la concession archéologique éponyme

Le contexte géographique et archéologique

Le programme Kadruka a pour cadre la concession éponyme, un espace localisé en Haute-Nubie (Soudan), en amont de la 3e cataracte (Northern Dongola Reach), sur la rive droite du Nil. La concession de Kadruka, qui jouxte celles de Kerma (au nord) et de Kawa (au sud), est traversée par le Wadi el-Khowi, un ancien bras du Nil qui s’écoulait à une dizaine de kilomètres à l’est du cours actuel et qui fut un pôle de peuplement majeur pour les populations du Néolithique moyen (Ve millénaire BCE). Une quinzaine de buttes funéraires néolithiques et d’immenses surfaces parsemées d’éclats éolisés, vestiges d’anciens habitats démantelés par l’érosion, y ont été reconnus. Toutes ces occupations se distribuaient le long du cours d’eau, dans le cours et sur les rives duquel d’épaisses couches de limons se sont déposées. Particulièrement fertile, l’ancien cours du Wadi fait l’objet depuis quelques décennies d’une intense exploitation agricole qui n’a épargné que de rares secteurs, entraînant la destruction d’une multitude de sites d’habitat. Le programme Kadruka fait suite aux travaux réalisés localement par Jacques Reinold dans les années 1980-1990 qui ont essentiellement porté sur la fouille, totale ou partielle, de plusieurs buttes funéraires néolithiques datées du Vemillénaire BCE.

Les objectifs

Le programme Kadruka porte spécifiquement sur les occupations néolithiques et pré-kerma encore représentées sur la concession archéologique éponyme. À travers l’étude de quelques occupations encore préservées, nous espérons éclairer les évolutions (culturelles, sociales, environnementales…) intervenues entre le début du Ve et le début du IIIemillénaires BCE, une période marquée par une aridification croissante et par le passage du Néolithique à une nouvelle phase culturelle, le Pré-Kerma (3500-2500 BCE), qui annonce déjà la phase suivante, dite Kerma.

Actuellement, trois opérations sont menées en parallèle :

1) La fouille de la butte funéraire KDK23, conformément aux méthodes actuelles : Près de 160 tombes ont été fouillées, sans qu’il soit possible de distinguer les limites de fosses. Les limites sud et est ayant été atteintes, l’extension du cimetière se précise peu à peu. Considérant la forte densité de tombes, qui atteint une moyenne d’une structure au m² sur la surface ouverte, on peut estimer que le nombre total des inhumations conservées dépassera les 200.

2) Le repérage et la caractérisation d’habitats : Les travaux anciennement menés sur la concession avaient amené à conclure à une destruction systématique des habitats sous l’effet de l’érosion. Si les palimpsestes que l’on observe tout au long du Wadi el-Khowi témoignent de la déflation qui a affecté ces zones d’habitat, la découverte d’occupations (se rapportant à différents moments d’une séquence s’étendant de la première moitié du 5e au début du 3e millénaire BCE) qui comportent des niveaux parfaitement en place remet en cause cette conclusion. En étudiant la distribution des derniers habitats encore préservés de l’agriculture, et en procédant, sur certain d’entre eux, à des décapages de surfaces limitées, nous espérons mieux comprendre la nature et les fonctions de ces occupations qui nous ouvrent une fenêtre inespérée sur le monde des vivants. Deux zones comportant des occupations de ce type ont déjà fait l’objet de travaux. La première, nommée KDK23H, jouxte la butte funéraire KDK23. Les datations obtenues qui s’y rapportent couvrent la seconde moitié du 5e millénaire BCE. Ce site a révélé, outre plusieurs centaines de trous de poteaux pour partie creusés dans le remplissage du chenal qui séparait le site de la butte funéraire, deux fosses renfermant de la faune domestique, ainsi qu’un foyer en cuvette ceinturé d’artefacts et d’écofacts parfaitement in situ. La seconde occupation, KDK05, qui se situe plus à l’ouest, est une vaste zone parsemée de mobilier de surface issu de niveaux déflatés se rapportant à différentes périodes : au Néolithique moyen A (ca. 5000-4500 BCE), à la période Pré-Kerma (ca. 3500-2500 BCE), et surtout à une période intermédiaire couvrant le Néolithique moyen B (ca. 4500-4000 BCE) et un Néolithique final jusqu’alors inconnu à l’échelle de la région. Comme à KDK23H, les sondages réalisés ont révélé des niveaux parfaitement en place.

3) La publication de la butte funéraire KDK1 : Les cimetières fouillés par J. Reinold dans les années 1980-90 n’ayant fait l’objet que de publications succinctes, et le riche mobilier extrait des tombes n’ayant pas été étudié, un volet du programme Kadruka vise à publier certains de ces travaux anciens. La publication du cimetière KDK1, dont l’ensemble de l’occupation néolithique remonte à la fin du 5e millénaire BCE, est en cours.

Les cadres institutionnels

Débuté en 2014, le programme Kadruka compte parmi les missions archéologiques de la SFDAS (Section Française de la Direction des Antiquités du Soudan) et est conduit en partenariat avec la NCAM (National Corporation for Antiquities and Museums), l’institution soudanaise en charge de l’archéologie et du patrimoine. Après avoir bénéficié d’un financement du QSAP (Qatar Sudan Archaeological Project), il est aujourd’hui soutenu par le MEAE (MaFSaK : Mission archéologique Franco-Soudanaise à Kadruka ; dir. : Pascal Sellier). Collégiale, la direction du programme Kadruka est partagée par trois chercheurs du CNRS : Olivier Langlois (CEPAM, Nice), Philippe Chambon (Eco-anthropologie, Paris), et Pascal Sellier (Eco-anthropologie, Paris).