CRA-Monographie n° 26
ISBN 2-271-6034-6
2002, 256 p., 162 photos
Que disent les récipients en terre cuite de ceux qui les ont fabriqués et utilisés ? Sont-ils même susceptibles de « dire » quelque chose ? Les travaux consacrés à ces questions mettent généralement l’accent sur les aspects les plus visibles des récipients – forme, décor, composition des pâtes – et ne disent pratiquement rien des autres savoirs et savoir-faire mis en œuvre au sein de la chaîne opératoire. Il semble pourtant que les choix techniques correspondent, comme les choix esthétiques, à des traditions – ou des styles – et puissent nous renseigner sur l’identité et l’histoire des individus.
Ce travail ethnographique et expérimental tente d’éclaircir la question des styles techniques et de leurs rapports à l’identité sociale des individus. Il repose à la fois sur des enquêtes détaillées au sein d’une vingtaine de populations du Cameroun méridional et sur une série de mesures, de tests et d’analyses sur le terrain et en laboratoire. L’objectif est de caractériser les comportements techniques et leurs effets sur la matière, d’en évaluer l’origine et de cerner leur portée comme marqueurs identitaires. Cette démarche est renforcée par une analyse des modalités d’apprentissage et du discours symbolique qui sous-tend le comportement des artisans. Afin d’élargir la portée des résultats, des documents ethnographiques relatifs à plus de quatre cents populations d’Afrique sub-saharienne sont également pris en compte et systématiquement comparés. Ils permettent d’esquisser une première synthèse des traditions céramiques de l’Afrique sub-saharienne.
La chaîne opératoire de la poterie apparaît au final comme une construction hétérogène, profondément dynamique et extrêmement enrichissante pour les archéologues. Les comportements techniques semblent en effet indépendants des contraintes de la matière et de la fonction et se révèlent de bons marqueurs des identités sociales. Leur valeur est d’autant plus grande, qu’ils permettent d’aborder des facettes contrastées de l’identité des artisans – langues, appartenance clanique ou familiale, affiliation socioprofessionnelle, localisation géographique, etc. L’activité de poterie se profile également comme un « fait social total ». Associée à une série d’activités domestiques, artisanales ou rituelles, elle se trouve au cœur de multiples enjeux sociaux et symboliques. La prise en compte de ces éléments permet d’enrichir le discours archéologique et ouvre de nouvelles voies d’investigation dans le domaine de l’anthropologie des techniques.