Le programme de recherche de la mission archéologique franco-albanaise sur le Moyen Âge dans la basse vallée du Drin (Albanie du nord), a pour objectif une réflexion sur les dynamiques de formation et de fonctionnement des sociétés médiévales du monde balkanique méditerranéen. Il vise, à travers une approche archéologique, anthropologique et historique, l’étude approfondie du peuplement, des formes de l’habitat ainsi que l’analyse des productions et des échanges dans la contrée de l’Illyricum occidental, de la fin de l’Antiquité à l’époque médiévale.
La mission archéologique est dirigée par Etleva Nallbani, archéologue médiéviste chargée de recherche CNRS (UMR 8167, Orient et Méditerranée) et Elvana Metalla (Institut archéologique d’Albanie), assistées par Véronique Gallien (CEPAM, UMR 7264, CNRS ; INRAP), Jocelyne Desideri (Université de Genève), Luc Buchet (CEPAM, UMR 7264, CNRS/UNS) et Yann Bonfand (Université Pierre-Mendès, Grenoble). Elle est soutenue par l'École française de Rome, le MEAE, le CNRS, le Labex RESMED et l’Université de Genève. Les résultats annuels des recherches sont publiés en ligne dans la Chronique des Activités archéologiques de l’Ecole française de Rome (MEFRM) et dans les périodiques de l’Institut archéologique d’Albanie (Iliria et Candavia).
Les recherches sont actuellement consacrées aux trois sites médiévaux de Komani, Lezha et Sarda, dans la vallée du Drin. Lezha est une ville située sur la côte adriatique ; Sarda et Komani sont deux agglomérations de moyenne montagne, dans l’arrière-pays, abandonnées depuis le XIVe siècle. L’étude s’intéresse à l’organisation urbaine et religieuse et au fonctionnement socio-économique de ces sites au sein de leur territoire. Son objectif est de définir les modèles régionaux de structuration de l’habitat et du peuplement durant le Moyen Âge. Le programme s’appuie sur une solide recherche de terrain pour construire des référentiels historiques, archéologiques et anthropologiques propre à l’ouest des Balkans. Il s’agit de développer la connaissance médiévale d’une région qui ne bénéficie actuellement que de rares références archéologiques pertinentes et de quelques textes portant sur l’occupation des territoires et des populations aux premiers siècles du Moyen Âge.
Les résultats obtenus à ce jour sur le terrain (prospections pédestres, fouilles et télédétection au LIDAR), nous éclairent de manière inattendue sur la fondation et l’organisation de ces centres médiévaux majeurs de l’ouest des Balkans. Dans un contexte de déclin du phénomène urbain et de croissance du fait rural depuis l’Antiquité tardive, il apparaît qu’une nouvelle hiérarchie d’occupation se met en place durant les premiers siècles du Moyen Âge. Les résidences d’élites et l’autorité ecclésiale influencent la structuration du territoire, en participant à la réorganisation des habitats qui se regroupent en villes et en évêchés au IXe siècle, au moins jusqu’au XIIIe siècle. L’analyse des quartiers, de l’architecture religieuse et défensive et des habitations privées de Komani, Lezha et Sarda, montrent une variété de modèles d’organisation urbaines qui ont évolué en centres de productions, de commerce et de religion durant toute l’époque médiévale. Les nécropoles ont livré de nombreux témoignages d’inhumation habillée qui révèlent des codes sociaux issus d’une variété de cercles culturels et traduisent l’installation d’une élite riche et cosmopolite découlant des multiples réseaux d’échanges commerciaux entre Occident et Orient.
Ce programme de recherche archéologique joue également un rôle important dans la mise en place d’une stratégie de gestion du patrimoine archéologique dans le pays. La mission, soutenue par des organismes patrimoniaux et de gestion territoriale, mènent depuis des années, d’importantes actions pour la protection des sites engagés dans la mission, dans le but de fonder un parc archéologique, naturel et de patrimoine industriel. La collaboration décidée en 2018 avec le Réseau des Grands Sites de France, ouvre de nouvelles perspectives de gestion patrimoniale de la Vallée du Drin, selon des modèles français. Il s’agit de donner une visibilité et de révéler à l’Europe un patrimoine médiéval balkanique méconnu. La complexité de ce programme de recherche archéologique tient à la diversité de ses actions depuis la recherche jusqu’à la gestion patrimoniale des sites, en passant par leur préservation, leur restauration et la transmission des résultats (portes ouvertes, conférences, colloques et publications) tant au public scientifique qu’au grand public. L’intégration du patrimoine à la vie économique et sociale des communautés locales et internationale est un enjeu vital de cette entreprise.