En parallèle de l’étude de l’oasis de Khatt et de ses environs, la mission de terrain 2019 a également été consacrée au prélèvement d’échantillons référentiels qui vont nous aider à calibrer et interpréter les données récoltées dans les sondages géoarchéologiques creusés dans les trois oasis de l’Emirat (Dhayah 2017, Shimal 2018 et Khatt 2019).
Deux problématiques spécifiques ont été explorées au travers de ces référentiels :
- L’origine des sols des oasis
- Les interprétations paléo-paysagères des spectres malacologiques
Création d’un référentiel des sources de sédiments fins : retracer l’origine des sols oasiens
Le territoire de Ras al Khaimah est caractérisé par une pédogénèse naturelle très faible, du fait de l’aridité du climat qui ralentit l’érosion chimique et l’activité biologique, mais aussi du fait de l’absence de contexte propice à l’accumulation et à la fixation des particules fines (absence de végétation, forte déflation éolienne).
L’installation d’oasis, en plus de combler le déficit en eau par la mise en place de structures d’irrigation, permet aussi de rééquilibrer ce manque de sols fins. En effet, les sols des palmeraies actuelles mais aussi des niveaux anciens que nous mettons au jour dans les sondages présentent des faciès agronomiques largement supérieurs à ceux rencontrés en contexte naturel, en dehors de l’oasis, et semblent donc être la création des communautés qui exploitaient les oasis. La question de l’origine de ces sols oasiens apparait donc essentielle pour comprendre la mise en place et le fonctionnement de ces entités, et, remise en diachronie, pourrait potentiellement mettre en lumière des évolutions dans cette pratique mais aussi de potentielles fluctuations environnementales.
Un référentiel des sources sédimentaires potentielles a donc été mis en place par Sophie Costa, Louise Purdue et Claude Rouvier, grâce à l’échantillonnage des sédiments fins du territoire (Figure 1) :
- sédiments côtiers
- sables dunaires
- dépôts alluviaux dans les différents bassins versants susceptibles d’approvisionner les oasis (notamment dans les Wadi Haqil, Wadi Bih, Wadi Naqab, Wadi Attawiyeen et Wadi Idhn).
Leur susceptibilité magnétique a été mesurée directement sur le terrain. Ces sédiments seront également analysés en laboratoire pour déterminer leur granulométrie (mesure de la répartition de la taille des grains par granulométrie laser) ainsi que leur empreinte géochimique (mesure élémentaire par ICP-OES). En comparant ces données avec celles des sols oasiens, nous pourrons essayer de retracer la part de la contribution de chacune des sources potentielles, puis de discuter de leur évolution, face à des contraintes environnementales fluctuantes.
Figure 1: les différents types d’environnements échantillonnés pour la création du référentiel des sources de sédiments fins (crédits photo. S. Costa/L. Purdue)
Création d’un référentiel malacologique : explorer et caractériser les différents biotopes
De la même façon, afin de mieux comprendre et interpréter les spectres malacologiques retrouvés dans les sondages géoarchéologiques, les environnements caractéristiques des principales malacocénoses du territoire ont été échantillonnés (Figure 2) :
- mangrove
- plage
- goulot du Wadi Bih dans les montagnes
- estuaire du Wadi Dhaid
- chenal interdunaire du Wadi Dhaid
- parcelle cultivée arboricole
- parcelle cultivée non arboricole
- canal d’irrigation
Comme pour les sols anciens identifiés dans les sondages, 10 litres de sédiments ont été prélevés en vrac puis tamisés à l’eau à 500 μm et 2 mm par Alain Carré. Après qu’Alain ait trié les restes malacofauniques, Hatem Djerbi pourra identifier et compter les individus et ainsi déterminer des faciès propres à chaque environnement. Ce travail lui permettra de calibrer et renforcer ses interprétations archéologiques et d’en proposer une reconstruction paléo-paysagère/paléo-écologique plus robuste.
Figure 2: environnements échantillonnés pour le référentiel malacologique (crédits photo. S. Costa/L. Purdue)
Figure 2: environnements échantillonnés pour le référentiel malacologique (crédits photo. S. Costa/L. Purdue)