Mission Ras al Khaimah 2017 : etude de l’oasis de Dhayah

La mission à Ras al Khaimah s’est déroulée du 29 novembre au 17 décembre 2017. Nous avions trois semaines pour mener l’étude géomorphologique (Maël Crépy), géomatique (Gourguen Davtian), geophysique (Clément Virmoux), géoarchéologique (Louise Purdue, Sophie Costa, Hatem Djberi, Claude Rouvier), ethnographique (Julien Charbonnier) et malacologique (Hatem Djerbi), le tout bien évidemment avec le tamisage, le tri et la préparation des échantillons (Alain Carré).

Grâce au soutien financier et humain du Ras al Khaimah Department of Museums and Antiquities, nous avons procédé à l’étude de l’oasis de Dhayah cette année, au nord de Ras al Khaimah.

L’étude historique et ethnographique (Julien Charbonnier)

Prise d’eau et alimentation d’un jardin (© J. Charbonnier)

Le travail mené par Julien a consisté en la reconstitution de l’histoire de l’oasis en lien avec la modernisation et l’urbanisation rapide des Emirats. Pour cela un des objectifs était d’établir un cadre de référence sur la gestion de l’eau et les pratiques agricoles au cours des périodes historiques à partir de prospections pédestres, de cartographie et d’enquêtes.

Les enquêtes, construites avec l’ensemble des collaborateurs du projet, ont été traduites en arabe, enregistrées en audio et seront retranscrites en anglais et en arabe. Dix interviews ont été menées au cours de la campagne 2017. Les résultats sont en cours de traitement

Les prospections ont mis en évidence que la palmeraie est organisée autour de trois wadis chenalisés, orientés est-ouest qui alimentent en eau les champs organisés autour d’eaux. L’irrigation est par inondation. En aval des jardins, l’eau est retenue par des murs épais afin qu’elle puisse s’infiltrer dans les sols. Ces parcelles sont principalement dévolues à l’exploitation des palmiers dattiers, de même que quelques arbres fruitiers (mangier, citronnier). Les parcelles sont équipées au moins d’un puits, aujourd’hui mécanisé, fonctionnant grâce à la remise en eau des nappes au cours de la saison des pluies.

Mur de rétention d’eau (© J. Charbonnier)

L’étude géomorphologique (Maël Crépy)

Maël s’est attaché à remettre la palmeraie dans un cadre géographique et de construire une carte géomorphologique l’oasis à partir de prospections au sein et autour de l’oasis, tout en établissant une typologie des principales formations identifiées. Ses observations de terrain ont été complétées par une étude des images satellites, de même que par l’étude de séquences sédimentaires et ou géologiques. Ses résultats nous permettent de mieux comprendre l’évolution des ressources en eau, et de proposer une classification des différents wadis qui alimentent la palmeraie

Maël Crépy dans un des wadis principaux qui alimente la palmeraie (© J. Charbonnier)

L’étude géomatique (Gourguen Davtian)

Le travail de Gourguen s’est articulé autour de la création d’un SIG comprenant des données spatiales régionales et microrégionales (images satellites, données régionales). Gourguen a également procédé à une prospection hydrologique de la palmeraie et a cartographié les principaux wadis, les systèmes d’irrigation, leur hiérarchie et leurs jonctions, de même que la présence d’autres structures hydrauliques (puits, etc..). A partir de ses prospections, Gourguen a également créer un Modèle Numérique de Terrain à partir du GPS différentiel et de la réalisation de profils topographiques.

Le système hydrographique à Dhayah (© G. Davtian)

L’étude géophysique (Clément Virmoux)

Système électrique utilisé à Ras al Khaimah (© C.Virmoux)

L’étude géophysique a été menée par Clément. La méthode employée est la Electrical Resistivity Tomography (ERT) et l’appareil utilisé est un Wenner-Schlumberger array. Cet appareil mesure la résistivité du sol, qui dépend de la composition du sol, de la présence de fluides dans le sol et du degré de saturation du sol en eau. Les mesures sont faites en injectant un courant électrique dans le sol à travers deux électrodes et de mesurer le voltage entre ces deux électrodes. Un espacement de deux mètres entre deux électrodes permets d’aller jusqu’à 12 mètres de profondeur. 64 éléctrodes ont été utilisées et deux profils réalisés à Dhayah.

L’interprétation des données est possible grâce à l’utilisation du logiciel Res2dinv software (Loke, Barker 1996). De façon synthétique, les teintes plus rouges indiquent une forte résistivité (autour de 300 Ohm.m), et les bleues une plus forte conductivité. Les teintes rouges correspondent généralement à des murs, des graviers ou des sédiments grossiers à l’inverse des teintes bleues et vertes qui correspondent plus souvent soit à des sédiments fins, soit des sédiments riches en sels.

Le traitement des données de terrain est en cours. La réalisation de tranchées et sondages géoarchéologiques en parallèle à cette étude permettront de mieux discuter les observations.

Exemple d’un profil géophysique (tomographie élécrique) à Ras al Khaimah (© C. Virmoux)

L’étude géoarchéologique (Sophie Costa, Louise Purdue, Claude Rouvier, Hatem Djerbi)

L’étude géoarchéologique a été menée par Sophie Costa, Louise Purdue, Claude Rouvier et Hatem Djerbi. La palmeraie de Dhayah n’est pas très grande, 2km N-S, 1.2 km E-O. Elle a surtout été alimentée en eau par la canalisation des eaux de ruissellement et les puits. La partie de sud de la palmeraie est aujourd’hui abandonnée, tandis que la partie nord est toujours cultivée.

L’étude de la partie sud de la palmeraie a bénéficié d’une tranchée naturelle orientée N-S d’environ 400m. Un schéma général a été réalisé de cette tranchée et 10 LOG stratigraphiques réalisés afin de comprendre les dynamiques alluviales et agraires.

En parallèle, nous avons ouverts des sondages dans la partie centrale de la palmeraie, manuellement et avec l’aide d’une pelle mécanique dans les zones abandonnées. Huit sondages ont été étudiés. Ces sondages ont révélés l’importance des processus érosifs à Dhayah, la présence de dépôts côtiers dans des zones actuellement cultivées mais l’existence également de sédiments cultivés à des profondeurs inattendue (sondage 4). Nous espérons qu’ils s’agissent de dépôts de l’Age du Fer, voire antérieurs !

Location des sondages étudiés à Dhayah au cours de la campagne 2017 (© G.Davtian et S. Costa)

Vue du sud du sondage 2 et proposition de phasage. La phase 3 est représentative des dynamiques agricoles, les phases 2 et 4 de processus érosifs (© L. Purdue)

Vue du sondage 4 et de la présence de niveaux cultivés en profondeur (© S. Costa)

Analyse et traitement des échantillons (Alain Carré)

Les sondages ont été échantillonnés pour l’étude des macrorestes végétaux et fauniques. Pour cela, nous avons prélevé 10L de sédiments par unité stratigraphique jugée d’intérêt. Les échantillons ont été tamisés à sec dans un premier temps, puis à l’eau dans un second temps, à des mailles de 2mm et 500 µm. Les macrorestes séchés et isolés sont ensuite triés à la binoculaire en laboratoire puis envoyés aux spécialistes.

La station de tamisage mise en place à Ras al Khaimah (©A. Carré)

L’étude malacologique (Hatem Djerbi)

Du fait de sa proximité avec la côte, l’oasis de Dhayah est très riche en restes paléoécologiques. Les objectifs de l’étude malacologique menée par Hatem sont de mieux comprendre le cadre paléo-environnemental et paléoclimatique, et de mesurer l’impact des activités anthropiques sur les écosystèmes oasiens. La richesse des unités stratigraphiques et la découverte de nombreux amas coquillier a guidé notre stratégie de terrain. Ainsi, nous avons échantillonnés en vrac dans les sondages géoarchéologiques au cœur de la palmeraie et dans la tranchée naturellement exposée au sud. En parallèle, nous avons échantillonnés dans les amas coquilliers. Les premières observations de terrain montrent la dominance d’ espèces typiques des mangroves et des milieux boueux, en milieu carbonaté. Les analyses sont en cours

Vue d’un amas coquillier (©L. Purdue)