Mission Masafi 2016 : Étude pluridisciplinaire des puits et des sources de Masafi (3-13 décembre 2016)

Auteurs : Julien Charbonnier et Maël Crépy

La combinaison de prospections de terrain, archéologique et géomorphologique, et de l’enquête ethnoarchéologique (J. Charbonnier et M. Crépy) était nécessaire pour compléter la cartographie de l’oasis, débutée au cours des précédentes campagnes. Ce travail visait principalement à documenter les puits et les sources de toutes périodes, abandonnés ou actifs. Les principales informations recueillies concernaient leur technique de construction, afin d’élaborer une typo-chronologie de ces ouvrages, et la nature des aquifères exploités. L’objectif de ce travail était de comprendre si l’évolution technique et spatiale des puits permettait d’appréhender celle des ressources souterraines et son impact sur l’oasis de Masafi.

Notre méthodologie repose sur des descriptions à partir d’observations de terrain. Ces données ont ensuite été intégrées au Système d’Information Gégographique (SIG) de Masafi afin d’analyser la distribution spatiale des types de puits et des sources.

Une vingtaine de puits ont ainsi été étudiés et documentés dans et aux abords de la palmeraie, répartis en 5 catégories : creusés, creusés et maçonnés, creusés avec pompes motorisée, maçonnés (parpaings) avec pompe motorisée, forés. Les deux premières catégories renvoient à des ouvrages datés vraisemblablement entre le XVe et la moitié du XXe siècle. Les pompes motorisées ont été introduites à une date qui reste à préciser, probablement dans la seconde moitié du XXe siècle. Certaines ont été installées sur des puits plus anciens. Enfin, selon notre enquête, les puits forés se sont développés au cours des 2 dernières décennies.

Figure 1 : Répartition spatiale des sources (A), des puits traditionnels (B) et des puits avec pompes motorisées (C) dans la palmeraie de Masafi (©Mission Masafi : É. Régagnon, C. Calastrenc, T. Sagory, M. Crépy et J. Charbonnier).

L’un des résultats les plus significatifs de notre travail a été l’identification de plusieurs sources artésiennes, aujourd’hui asséchées, reconnaissables grâce aux formations de tuf issues de la précipitation des carbonates. Des entretiens avec les habitants de Masafi ont confirmé l’exploitation de plusieurs d’entre elles jusqu’à la fin du XXe siècle. À cette époque, les sources se tarissaient pendant la saison sèche, des puits étaient alors utilisés le reste de l’année.

A l’exception des puits forés contemporains, qui exploitent des nappes profondes, les sources et les puits se répartissent principalement autour d’un axe nord-sud passant au centre de la palmeraie (Figure 1). Cette localisation ne doit rien au hasard : elle se trouve à un contact géologique entre les formations de Dibba (harzburgites dont les fractures permettent la circulation de l’eau) à l’est et des roches métamorphiques (formation d’al Khalabiya) à l’ouest. Les fractures de ces dernières peuvent également contenir de l’eau mais l’orientation verticale des axes de fracturation et de schistosité, discordante avec celle de la formation de Dibba, conduit à une retenue entretenant un haut niveau des nappes et permettant la remontée naturelle de l’eau vers la surface, qui est à l’origine des sources dans la palmeraie.

Ce travail ouvre des perspectives intéressantes car il permet d’expliquer l’évolution récente de l’oasis de Masafi : la surexploitation des nappes les plus superficielles entraînant l’abandon des puits et sources de la palmeraie. Les modalités anciennes de l’artésianisme restent toutefois à identifier : les populations de la protohistoire en ont-elles tiré parti ?